21 mars 2018

Éradiquer la pauvreté

Il y a bien longtemps, j'ai eu droit à une campagne du parti catholique de Cesson-Sévigné pour avoir signé mon éditorial du journal de la section socialiste de la ville sur la différence entre la charité et la solidarité. J'y expliquais que non seulement soulager la pauvreté ne permettait pas de sortir qui que ce soit de la pauvreté, mais surtout qu'en être destinataire rendait dépendant et humiliait.
Au dernières élections présidentielles, Benoît Hamon a fait la proposition du revenu universel. Universel, ce revenu a l'avantage de ne stigmatiser personne. Mais il reste construit sur la redistribution.
La thèse de cet article montre qu'il est possible d'éradiquer la pauvreté grâce à l'utilisation des 2/3 du PIB - le niveau des salaires depuis trente ans.

Le PIB France 2016
La France produit chaque année plus de 2 000 Md€ de PIB, 2/3 en salaires et 1/3 en profit. Le profit (à la main de la société d'actionnaires) est affecté pour moitié aux entreprises, pour moitié aux actionnaires. La moitié des investissements sont alimentés par les aides publiques (exonérations de cotisations sociales, diminutions de l'impôt sur les sociétés, crédits d'impôts divers, subventions, etc.). La sécurité sociale privée par les exonérations de cotisations sociales est indemnisée par la CSG qui pèse en majorité sur les salaires nets. Les allocations et indemnités sociales doivent être diminuées pour limiter la dette publique largement produite par le soutien aux entreprises et le sauvetage des banques des dégâts produits par la crise de 2008.

La société doit se protéger en assurant à chacun les moyens de vivre au niveau de la richesse de la société. La pauvreté commence quand le revenu passe en dessous du seuil de pauvreté, soit 60% de la médiane des revenus (le revenu qui partage la population en deux moitiés): Revenu médian en 2016, 1 797 €; seuil de pauvreté, 1 078,20 € (4% des salariés ont un salaire net au-dessous de ce seuil).  L'enjeux du 21ème siècle n'est pas de soulager les pauvres, mais d'éradiquer la pauvreté. C'était déjà l'objectif visé par la charte de Philadelphie au milieu du 20ème siècle repris par le Conseil national de la résistance française (CNR).

Le seuil de pauvreté étant déterminé par le niveau de la médiane des salaires,  il n'est pas possible de sortir tout le monde de la pauvreté sans concentrer le niveau des salaires. Qu'est-il possible de faire? Comment répartir les trois quarts du PIB (le niveau des salaires depuis trente ans) pour que tout le monde soit au-dessus du seuil de pauvreté?

Un salaire suffisant et à vie pour tous

Quand Benoît HAMON a fait sa proposition du revenu universel d’existence, plusieurs niveau ont étés suggérés par les commentateurs: entre 500 et 750 € produit par la redistribution après la répartition primaire qui est très inégalitaire.

Une répartition très inégalitaire des salaires
qui exclut tous les privés d'emploi
 (Observatoire des inégalités)
C'est bien le poids du niveau des salaires les plus importants et le lien entre salaires et emplois qui accroît le nombre de pauvres. Pour éradiquer la pauvreté, il faut donc bien déconnecter salaire et emploi et resserrer l'éventail des salaires. Le PIB permet il de trouver un système de répartition des salaires qui permette d'éradique la pauvreté?

Pour le montrer, il suffit de trouver un système de répartition qui permette de mettre en place un salaire suffisant et à vie dans la limite des 2/3 du PIB: 1 486 Md€. L'idée est calculer le niveau du salaire suffisant ( et le niveau du salaire à vie pour que tout adulte dispose d'un salaire supérieur au seuil de pauvreté, la somme des salaires étant inférieure aux 2/3 du PIB.

L'outil informatique utilisé pour trouver une hypothèse qui fonctionne est Excel avec sont outil "valeur cible" qui permet de trouver la valeur d'un paramètre pour que le résultat du calcul (somme des salaires suffisants et à vie) ait une valeur donnée (2/3 du PIB).

Les principes de calcul: trouver un salaire de base (reçu de la naissance à la mort) et un salaire suffisant (pour être libre par rapport à l'emploi) et à vie (pour rémunérer la qualification et pousser à trouver un emploi au travers d'une carrière intéressante).

Le calcul est le suivant:

  • Répartir les adultes dans une matrice "âge (plus de 18 ans); qualification (5 niveaux);
  • Répartir les salaires dans la même matrice avec un gap de 20% entre niveaux de qualification et une carrière pleine (de 18 à 60 ans) qui double le salaire initial, salaire(18ans;niveau1)=1000€;
  • Multiplier les deux matrices pour obtenir la matrice des salaires selon l'âge et le niveau de qualification;
  • Faire la somme des salaires de base et des salaires suffisant et à vie;
  • Calculer la valeur salaire(18ans;niveau un) pour obtenir la valeur cible de la somme de l'étape précédente: 3/4 du PIB.
Le résultat est:
  • Salaire de base, 500 € pour chacun dès la naissance;
  • Salaire suffisant et à vie suivant la qualification:
    • niveau 1 de 1 255 à 1 909 €;
    • niveau 2 de 1 386 à 2 171 €;
    • niveau 3 de 1 543 à 2 485 €; des salaire dans la publication
    • niveau 4 de 1 731 à 2 862 €;
    • niveau 5 de 1 957 à 3 315 €.
  • Le salaire atteint à 60 ans est gardé jusqu'à la mort. Le salaire des enfants est géré par son tuteur (la mère ou le père par défaut).
La distribution des salaires entre les adultes est la suivante:

Distribution des salires suffisants et à vie aux adultes à partir de 18 ans
Cette distribution produit une moyenne des salaires bruts de 1486€ par mois, une médiane de 2100€ et donc un seuil de 1260€; en dessous duquel se trouve un seul salaire, celui du niveau 1 la première année (1255€). De plus, chaque enfant apporte 500€ à chaque ménage où il vit.

Éradiquer la pauvreté est possible en France grâce à une distribution des salaires suffisants et à vie gérée par les salariés, comme à l'origine de la sécurité sociale. Cette distribution supprime les risques chômage et vieillesse. Ces salaires bruts n'ont à cotiser que pour le risque maladie et la dépendance (qui devrait devenir le deuxième pilier de la nouvelle sécurité sociale).

Mais les salaires ne sont pas les seules sources de revenu qui doivent aussi cotiser pour assumer tous les besoins sociaux.

Le profit

Faute d'existence juridique de l'entreprise, la société d'actionnaires est propriétaire du profit et décide seule de sa destination: amortissements pour réparer la dégradation des actifs, rembourser les dettes, etc. Par ces décisions, le PDG (à la fois mandataire de la société d'actionnaires et directeur général de l'entreprise) peut moduler le financement de l'entreprise pour le "meilleur revenu" des actionnaires.

Actionnaires et salariés sont acteurs constituants de l’entreprise. Pourquoi? Tous deux alimentent les ressources de l'entreprise.

L'architecture financière de l'entreprise
En apportant le capital social, la société d'actionnaires est à l'origine de l'entreprise. En travaillant, le collectif de travail est à l'origine de la valeur ajoutée produite à chaque exercice. La banque ne finance rien, elle avance juste la partie du profit consacrée au remboursement.de la dette à chaque exercice. En moyenne, le capital social représente un tiers des ressources, le collectif de travail fournit le reste au fil des exercices. La propriété de la société d'actionnaires ne porte donc légitimement que sur un tiers du profit, le reste étant propriété du collectif de travail.

Le caractère constituant des acteurs de l'entreprise (capital et travail) doit être reconnu dans les décisions concernant l'affectation du profit et le revenu que chacun en retire: un tiers de la moitié du profit, c'est à dire 124 Md€. En affectant un tiers aux ressources de l'entreprise, les collectifs de travail peuvent distribuer une prime de 124 Md€ au 25 M de salariés soit une moyenne de 4 900 € sur la base de la pénibilité, la fonction, l'engagement, etc. Cette prime peut être distribuée de manière très inégalitaire (les premiers de cordée) et est soumise à la vision des directions et au rapports de forces au sein du collectif de travail. La société d'actionnaires distribue sa part en fonction des porte-feuilles d'actions.

Macron veut encourager les premiers de cordée? Le profit peut y pourvoir. Mais le salaire suffisant et à vie permet bien d'éradiquer bien la pauvreté. La charité, qu'elle soit religieuse (don) ou publique (impôt), ne fait que soulager la pauvreté, elle ne cherche jamais à l'éradiquer. Elle l'entretient en s'installant dans le système social tel qu'il est. De plus, dame patronnesse choisit son pauvre digne de recevoir comme l'Etat le contrôle.

Éradiquer la pauvreté, c'est d'abord faire un choix de société.