11 févr. 2018

Contribution au 18ème congrès de l’Ugict-CGT

À la retraite depuis le premier janvier, je deviens simple témoin. Mais je reste engagé.

80 000 ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise adhèrent à l'Ugict de la CGT. 600 vont se réunir du 20 au 23 mars à Perpignan pour leur 18ème congrès.

J'ai participé à de nombreux congrès de mon syndicat, quelques uns de l'union départementale d'Ille-et-Vilaine et de la fédération des activités postales et de télécommunications, mais mon plus grand souvenir de militant est ma participation au 45ème congrès de la CGT du 3 au 8 décembre 1995, le congrès des cent ans de la CGT. Je n'ai jamais participé à un congrès de l'Ugict, mais c'est le dernier qui m'a mobilisé sur son activité avec sa résolution I.1  dont il est fait état dans le bilan.

Le document d'orientation dépeint très justement la situation dans laquelle se trouvent les salariés à qui l'Ugict propose de militer pour le progrès.

Ce que j’ai compris

Le monde du travail est soumis à de grandes évolutions : une croissance du nombre de ICTAM  et une extension du devoir de conformité vis à vis des décisions de plus en plus prises indépendamment de leur avis, une féminisation, un rajeunissement et une augmentation du niveau de qualification des nouveaux arrivants.

Les employeurs utilisent ces évolutions du salariat pour individualiser la situation des salariés.
La CGT, mais aussi tout le syndicalisme, risque d'être marginalisé, en particulier chez les ICTAM. La représentativité de la CGT est fragilisée, absente souvent des collèges 2 et 3.

L'externalisation de la production multiplie le nombre de PME-TPE, et donc le nombre relatif de salariés dans les grandes entreprises traditionnellement plus sensibles à l'activité des organisations syndicales.

La CGT se retrouve confrontée à un double enjeu : elle doit étendre son implantation dans les PME et TPE et augmenter son implantation chez les ICTAM, en particulier jeunes, dans les grandes entreprises.

L'Ugict-Cgt se propose de travailler autour de trois axes :
  • Construire la solidarité - les employeurs ne cessent de développer l'individualisation dans les systèmes de rémunération, d'évaluation et de management et provoquent le repli sur soi qui s'étend à toute la société avec la formation de communautés nationales, religieuses, racistes ou sexistes qui mettent en danger la solidarité;
  • Lier le social et le sociétal - l'individualisation a un impact sur le syndicalisme qui s'enferme dans le corporatif et le catégoriel, incapable de donner du sens au travail par la maîtrise de son contenu au service du progrès social, environnemental et économique, soumis à la dictature des multinationales;
  • Faire reconnaître la place des salarié-e-s qualifié-e-s - les ICTAM, à la fois subordonnés à l'employeur comme tout salarié, mais vecteur des décisions patronales, ont un impact fort sur les autres travailleurs.
Pour construire du collectif et développer la solidarité, nous revendiquons une fiscalité progressive, une protection sociale universelle et contributive, des droits individuels garantis collectivement, un statut du travail salarié qui permette aux ICTAM d'exercer pleinement leurs responsabilités, un syndicalisme d'intérêt général au service du progrès social, environnemental et économique au cœur des combats démocratiques au travail comme dans la cité, mais aussi au sein du syndicat pour répondre aux aspirations d'horizontalité exprimées par les jeunes.

Un nouveau modèle de développement pour ouvrir de nouvelles perspectives

Les leçons de la crise de 2008 n’ont pas été retenues. Au risque d’une nouvelle crise, banques et États, sous l’impulsion de l’Union européenne imposent une cure d’austérité, le recul des États sociaux et des droits des salarié-e-s et des populations. « La mondialisation des échanges et la volatilité du capital permettent la mise en place d’une stratégie de dumping social, environnemental et fiscal au niveau international ». La financiarisation de l’économie montre pourtant son vrai visage : impasse démocratique, impasse sociale, impasse environnementale, impasse économique.

Notre syndicalisme doit rassembler les 99% pour ouvrir à tous les richesses captées par les 1% les plus riches en travaillant dans un monde tel qu’il est :
  • Faire de la révolution numérique un levier de progrès social et environnemental;
  • Libérer l’entreprise de l’étau de la finance;
  • Traiter les questions industrielles en lien avec les questions environnementales;
  • Répondre à l’internationalisation du travail par celle des luttes;
  • Développer les services publics, l’enseignement supérieur et la recherche.
L’Ugict-Cgt militera…
  • Pour une utilisation différente des aides publiques en impliquant es IRP et les ICTAM;
  • Pour une reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur dans les conventions collectives et un recrutement plus important des jeunes diplômé-e-s;
  • Pour un fort développement de l’investissement public et privé dans la recherche moyen-long terme.
Des droits et garanties interprofessionnels pour les ICTAM

Le statut cadres est issu de la convention nationale de retraite et de prévoyance du 14 mars 1947 instituant le régime de retraite complémentaire AGIRC pour palier l’effet de seuil créé par le plafond de la sécurité social qui risquait d’empêcher l’adhésion des cadres dont une large partie du salaire excédant ce plafond ne contribuait pas à acquérir des droits. Cette convention basait l’affiliation sur la reconnaissance de la qualification initiale ou acquise, la nature des responsabilités exercées et l’autonomie d’exercice. L’affiliation donnait accès aux services de l’Apec .

En fusionnant ARRCO et AGIRC, l’accord du 30 octobre 2015 a démantelé le statut cadre dans le privé et fait peser une forte menace sur le statut des catégories A du public.

Ce statut a permis d’éviter l’individualisation imposée par le Medef d’une large part du salariat grâce aux classifications professionnelles et aux déploiements des carrières induits.

Trois critères fondamentaux fondent le statut cadre : la qualification initiale et/ou acquise au fil de l’expérience, les responsabilités exercées et l’autonomie dans l’exercice de ces responsabilités. Dans le cadre du nouveau statut du travail salarié, le statut cadre doit être adossé à des droits individuels garantis collectivement qui assurent :
  • La reconnaissance salariale de la qualification, la garantie d’un déroulement de carrière et un droit à la mobilité;
  • Un management alternatif au « Wall Street Management »;
  • Une réduction du temps de travail et de la charge de travail;
  • Une protection sociale garantissant la solidarité face à l’ubérisation.
Le « Wall Street Management » produit stress, burn out, dépression, accident, suicide chez les salariés, dans le privé et dans le public, avec un pilotage par les nombres multipliant les « reporting » et les réorganisations et interdisant tout liberté d’expression au nom d’une appartenance « corporate » dans le seul but de performance financière.

Les salariés doivent pouvoir « bien travailler » dans le respect des règles du métier et le collectif de travail doit constituer un acteur majeur de l’entreprise pour développer l’esprit de coopération et lutter contre la mise en concurrence. L’évolution professionnelle doit cibler la réalité du travail accompli et intégrer une dimension collective.

L’expression individuelle et collective doit être protégée et l’accès aux informations stratégiques garanti pour former des choix intégrant les aspects sociaux, économiques et environnementaux. Les gains de productivité doivent alimenter la réduction du temps et de la charge de travail pour chacun pour ne plus exclure pour certain et surcharger les autres au risque de leur santé. La transformation numérique de la société ne doit pas alimenter la destruction de l’emploi et de la protection sociale au prétexte de l’illusoire développement de la liberté par ubérisation du travail.

Une vie syndicale au service du rapport de forces

Pour remettre en cause l’ensemble des droits sociaux, le capital développe une stratégie visant à naturaliser le dogme « There Is No Alternative », à mettre en concurrence les travailleur-se-s et à marginaliser le syndicalisme.

Les ICTAM sont à la fois les vecteurs et les victimes des directives de l’entreprise ou du service public et se voit imposer un devoir de loyauté qui les prive de leur droit d’expression individuelle ou d’adhésion à une expression collective alternative.

Rassembler, lutter et négocier, internationaliser, favoriser l’esprit critique, rechercher les formes d’actions qui rassemblent le plus grand nombre, mobiliser toutes les, cibler les jeunes diplômés, les femmes, les indépendant-e-s… autant d’axes de développement pour permettre à chacun de se donner du pouvoir d’agir au service d’un rapport de forces mis au service de l’intérêt général : syndicalisation et vie syndicale exemplaire.

Ce que je conteste

Actuellement, l’entreprise n’a aucune existence juridique. Le contrat de travail lie le salarié à la société d’actionnaires qui n’a comme seul objectif de distribuer le bénéfice de l’activité aux actionnaires. Le précédant congrès avait décidé de travailler à une proposition de loi instituant un statut juridique de l’entreprise indépendant de la société d’actionnaires.

Extrait du document d'orientation sorti du 17ème congrès de l'Ugict-CGT

L’Ugict-CGT semble adhérer à la philosophie du Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) lancé par le ministère de l’économie et des finances largement inspiré par l’évolution du travail réalisé au collège des Bernardins. Après avoir interrogé la question de la propriété et du bien commun qu’est l’entreprise, ce travail a glissé sur la question de la mission des sociétés.

Le paragraphe 2.100 du projet de document d’orientation affirme : « Mise en place de 50 % d’administrateurs, d’administratrices salarié-e-s élu-e-s (comme indiqué dans la charte CGT des administrateurs, administratrices salarié-e-s), de droits décisionnels et suspensifs des IRP et renforcement des droits d’expertise. »

Le conseil d’administration est un organe de la société d’actionnaires et les administrateurs salarié ne seront que des invités. Le conseil d’administration ne donne du poids aux choix salariés que lorsqu’ils sont portés par un rapport de forces susceptible de gêner le déploiement de la stratégie des actionnaires. Le conseil d’administration n’est pas un lieu de pilotage d’un bien commun.

Je conteste la pertinence de ce paragraphe 2.100.

Ce que je pense

La création du statut de la fonction publique et du régime de sécurité sociale a connu un extraordinaire succès et représente en gros un tiers du PIB, plus de la moitié des salaires. Les salaires à la main des employeurs du privée ne représentent plus qu’un quart du PIB. Il faut continuer le processus par une distribution des salaires qui assure à chacun un niveau de vie à la hauteur du PIB, rémunérant la qualification et une carrière qui double le salaire entre 18 et 60 ans pour une vie professionnelle complète sans évolution de qualification. Cette évolution doit être ouverte à tous et à tout âge par validation des acquis de l’expérience (éventuellement complétée par de la formation) ou par formation continue.

Bernard FRIOT propose un système très abouti avec le salaire à vie et la cotisation pour investir. Mais, à moins de créer une situation révolutionnaire, il n’est pas possible d’exproprier les détenteurs de capitaux – la propriété est un droit constitutionnel.

Cependant, la portée de la propriété dans l’entreprise ne correspond pas à la contribution du capital social (celui de la société des actionnaires) aux ressources de l’entreprise. Les fonds propres formés par le capital social et les mises en réserve issues du résultat des exercices successifs ne représente en moyenne qu’un tiers des ressources. La propriété de la société d’actionnaires sur le résultat doit être limité à la hauteur du capital social dans les ressources de l’entreprise.

La valeur ajoutée de chaque exercice permet de payer les salaires (2/3 en moyennes, un quart des entreprises à près de 90%, un quart aux alentours de 40%). Le reste (1/3 en moyenne de profit donc, 10% pour un quart et 60% pour un autre quart) alimente entre autres les amortissements (la réparation des actifs), le remboursement des dettes de l’entreprise (en moyenne les 2/3 des ressources) et le résultat – on parlera des impôts un peu plus loin.

Actuellement, le propriétaire du capital social est le seul pilote de l’entreprise, il décide de la ventilation du profit et s’attribue le résultat. Cela doit changer, les salariés produisent la valeur ajoutée : réparent les actifs, remboursent les dettes et donc alimentent les ressources (aux 2/3 en moyenne). Le collectif de travail doit donc détenir les deux tiers du gouvernement, moitié représentant la direction, moitié représentant les employés.

Avant de mettre en œuvre une telle réforme de l’entreprise, il faut connaître la réalité des paramètres sur lesquels elle repose. Il faut donc mettre en place un tableau de bord :
  • Les ressources des entreprises : capital social, autres fonds propres, autres ressources;
  • Les exercices des entreprises : fournisseurs, salaires, amortissements, remboursements, autres, résultat;
  • Le nombre de citoyens : moins de 18 ans, de 18 à 60 ans, plus de 60 ans, qualifications (sans, CAP-BEP, BAC, L, M, D) par âge;
  • Les salaires : tableau âge, qualification, ancienneté, salaire.
J’attends de l’Ugict-CGT qu’elle mette en place ce tableau de bord.

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Projet de Document d'orientation pour le 18ème congrès de l'Ugict-CGT
 
Composé de 3 parties (1. Un nouveau modèle de développement pour ouvrir de nouvelles perspectives, 2. Des droits et garanties interprofessionnels pour les ICTAM, 3. Vie syndicale et construction du rapport de forces), une intro (Les enjeux de notre syndicalisme spécifique) et de nombreuses infographies, ce document est consultable sur une diversité de formats, et accompagné d'une synthèse. Il est amendable par les syndicats jusqu'au 12 février.
 
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Bilan d'activité 2014-2018 de l'Ugict-CGT
 
Le bilan propose une synthèse depuis le congrès de Dijon avec différents temps forts :
- résistance et lutte contre le capital
- imposer de nouveaux thèmes et gagner des droits
- déploiement et syndicalisation
 
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