18 janv. 2016

Le travail avant l’emploi

Cueillette et chasse ne constituent pas du travail. Si les animaux savent épargner de la nourriture pour plus tard, ils ne savent pas produire du surplus pour le faire fructifier. Le travail est le propre de l'homme.

Il apparaît avec l'agriculture et l'élevage, il y a 12 000 ans. Une partie des récoltes n'est pas consommée, mais semée pour une prochaine récolte ; une partie des animaux est préservée de l'abatage pour l'élevage reproduisant le troupeau. C'est le surplus conservé pour la production future qui caractérise le travail ; c’est ce surplus qui crée le lien avec les générations futures et reproduit celui reçu en héritage des générations précédentes ; c’est ce surplus qui fait naître les civilisations. Il est essentiel à l’humanisation de notre espèce.

Le travail présente deux dimensions, celle de la production du travail (l’utilité) et celle de l’humanisation du travailleur (le sens).

Après avoir longtemps subi l’aléa inhérent à la vie naturelle de la chasse et la cueillette, l’Homme est devenu capable de s’assurer la stabilité de sa condition de vie en aménageant son environnement et en maîtrisant sa reproduction. Cette stratégie lui a permis aussi de connaître la fortune et la jalousie ; elle a produit la guerre.

Avec la spécialisation des fonctions, le guerrier a hérité du monopole de la violence et s’est adjoint le prêtre pour obtenir la servitude volontaire du peuple. Là commence l’Histoire, la propriété, l’esclavage, la servitude, le salariat, l’accaparement du surplus par une minorité : c’est le propre de l’Homme.

C’est le propre de l’Homme que la maîtrise du surplus qui le fait. Mais toutes les situations acquises peuvent être bouleversées. L’esclavage aujourd’hui ne persiste que clandestinement. L’Ancien Régime, le droit divin, la propriété qui donnait le droit de vie et de mort ont disparu en France avec les lumières et la révolution.

Cette révolution a été portée par la bourgeoisie qui a instrumentalisé les idées des lumières et au droit de propriété inaliénable (deuxième des droits naturels cités dans l’article 2 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). Au nom du capital qu’elle apporte dans la société, la bourgeoisie prend tout le bénéfice, fruit de la composition du capital et du travail ; elle a le droit de vie ou de mort sur l’entreprise, personne morale sans réalité juridique.

Le blocage de la société est le même aujourd’hui que celui de la royauté au 18ème siècle. L’exercice du droit de vie ou de mort du patron sur l’entreprise se développe comme celui du Seigneur sur sa domesticité.

L’entreprise reste affaire privée, alors que les citoyens s’épuisent depuis quarante ans à la soutenir au nom de l’emploi. Les salariés se sont vus imposer un don de 50 Md€ par exonération des cotisations patronales, remboursé à la sécurité sociale majoritairement par les impôts payés par ceux d’entre eux qui gagnent suffisamment pour payer des impôts, mais insuffisamment pour pouvoir défiscaliser.

Plus que deux ans avant l’Élection Présidentielle, événement premier en France qui oriente toute la vie politique. La mission du prochain président est de débloquer notre société. Depuis quarante ans c’est la mission qu’ils se donnent, depuis quarante ans, ils échouent sans cesser d’échouer.

Il me semble que la feuille de route devrait être claire :
  1. Donner un statut juridique à l’entreprise qui en fasse un véritable bien commun ;
  2. Rémunérer la contribution des actionnaires à la hauteur de leur contribution aux ressources de l’entreprise et à la valeur légale de leur intervention comme caution pour les dettes ;
  3. Garantir à chaque travailleur un travail efficace et sensé ;
  4. Intégrer les mutuelles dans une sécurité sociale universelle et unique ;
  5. Mettre en place un service public de la formation qui contrôle la formation tout au long de la vie à partir de la maternelle dès 2 ans;
  6. Transférer le paiement des salaires à un organisme central alimenté par une taxation de 60% de la valeur ajoutée de chaque entreprise garantissant à chacun un salaire qui rémunère la qualification et une carrière qui le double en vingt ans;
  7. Mettre en place le salaire à vie à partir de 18 ans rémunérant les qualifications et garantissant une carrière qui le double au sein d’une entreprise ou d’une structure gouvernementale ou associative ;
  8. Passer la main à la génération future.
Le capitalisme assure le bonheur de quelques ambitieux au prix de l’appauvrissement de la majorité. Le marxisme porte un diagnostic pertinent sur le capitalisme, mais celui-ci ne produit pas la multitude prolétaire qui fera naître « le communiste ». La révolution ne sera pas portée par la classe moyenne que sait produire le capitalisme.

L’Homme n’a pas le choix, il Lui faut inventer son futur. L’Homme sera toujours à la recherche de la société idéale, mais cela n’empêche pas d’être suffisamment optimiste pour avoir l’envie de progrès.