5 janv. 2015

Contribution au 35ème congrès de la FAPT

La commission exécutive de la Fédération des activités postales et de télécommunications CGT a adopté le document d’orientation proposé comme objet de discussion à l’occasion de la tenue du 35ème congrès de la fédération. Nos dirigeants syndicaux y affirment vouloir construire une CGT Fapt utile, offensive et rassembleuse, en prenant en compte l’évolution du salariat, des organisations de travail et des groupes d’entreprise du champ fédéral (600 000 salariés répartis dans une multitude d’entreprises, sous différents statuts et conventions collectives).

Ce congrès intervient après des scrutins professionnels à Orange décevants pour la CGT, qui perd plus de trois points, avec 13 504 voix sur 69 038 votes, soit 19,56%, et passe en seconde position derrière la CFDT.

Après un résumé succinct du document, je présente ici ma contribution.

L’orientation de la FAPT 
L’orientation de la FAPT vise deux objectifs et propose un moyen d’action. Le document fait un chapitre de chacun de ses éléments.

Il s’agit donc de transformer le travail et de gagner un véritable service public de la communication en se donnant une FAPT-GT utile, offensive et rassembleuse.

Transformer le travail

Le travail est malmené par le mode de production capitaliste qui lui enlève toute dimension émancipatrice et en fait le premier objet de la lutte des classes.

Les entreprises de notre secteur sont soumises aux exigences de rentabilité des actionnaires et des marchés financiers. Elles déclinent toutes la même stratégie de « baisse du coût du travail » qui détruit les garanties collectives, écorne les salaires et les pensions, s’attaque aux statuts et conventions collectives et privatise.

Transformer le travail, c’est en faire une source d’épanouissement et de réalisation de soi où chacune et chacun trouve sa place. Cette transformation doit sortir la société de la crise où elle est tombée et apporter une amélioration durable de la situation des salariés (actifs, privés d’emploi, retraités).

Œuvrant pour la dignité des femmes et des hommes au travail, une rémunération et un travail décents, l’élimination du travail forcé et le droit de se syndiquer et de négocier collectivement, la CGT apporte ses propositions pour construire les convergences revendicatives des salariés de notre secteur en France, en Europe et dans le monde : le plein emploi solidaire, les moyens de bien faire son travail dans de bonnes conditions, la juste reconnaissance du travail, la préservation de la santé au travail.

Gagner un véritable service public de la communication

La réglementation mise en place dans les années 1990 a placé le secteur des activités postales et de télécommunications dans la situation commune d’engagement de versement de dividendes et d’enrichissement d’une minorité. Cette réglementation interdit de rendre le droit à la communication inscrit dans la déclaration des droits de l’Homme de 1789 (article 11), gage de démocratie, de développement économique et de transformation du travail dans le secteur, support d’un droit fondamental.

Au cœur de la métamorphose de notre société dans ses dimensions économiques et sociales, le numérique est plus qu’un progrès technologique. Il touche le travail, l’éducation, la santé, le service public, la mobilité, l’industrie, les entreprises, les réseaux, la finance et la démocratie, etc. Dématérialisation et polyvalence doivent constituer un progrès pour le client ou l’usager et non un moyen de justifier des suppressions d’emploi.

Pour lutter contre le risque de recul social et sociétal majeur d’une accaparation par le capital des implications de la révolution numérique, la CGT souhaite mener la bataille pour un grand service public de la communication et propose de réaliser l’appropriation publique du secteur.

Construire une fédération utile, offensive et rassembleuse

Le renforcement et la syndicalisation sont naturellement la première préoccupation de l’organisation. La CGT veut être un syndicat de masse pour assurer un rapport de force favorable aux salariés et un syndicat de classe pour assurer la transformation de la société.

Les syndiqués sont la richesse et la force du syndicat. Formés et informés, ce sont eux qui peuvent porter sur leur lieu de travail et de vie, la volonté de changer la vie, de transformer la société. Mais ils ne doivent pas ne jouer qu’un rôle de porte-parole, il doivent inventer le syndicalisme qui saura gagner le rassemblement le plus large des salariés.

La section syndicale a pour but de réunir les syndiqués d’un même lieu de travail, indépendamment de l’organisation de l’entreprise. Son rôle est de bâtir le cahier revendicatif à partir des échanges, des discussions et des débats contradictoires menés avec les salariés. C’est ce cahier revendicatif qui doit inspirer élus et mandatés.

Le syndicat départemental constitue le lieu de mise en commun des revendications qui organise la solidarité, les convergences et la démocratie de l’organisation autour de trois piliers : revendication, organisation et communication (ROC).

L’union régionale organise le lien entre les syndicats départementaux et la fédération. Elle prend en charge les impacts des évolutions institutionnelles et la réforme territoriale sur le secteur, ainsi que les enjeux de service public, d’aménagement du territoire et d’industrialisation. Elle participe au travail syndical du comité régional.

La fédération déploie sa démarche revendicative (contester, proposer, rassembler, lutter, négocier et recommencer) par une activité organisée autour du revendicatif, de l’organisation et de la communication pour mettre en œuvre les orientations fédérales et confédérales.

Son terrain est celui des salaires, du travail, de l’emploi, de la protection sociale, de l’égalité professionnelle, de la formation professionnelle, de la démocratie sociale, des services publics, de la communication, du logement, etc., des 600 000 salariés de toutes les entreprises du secteur, dans le monde entier. La fédération veut créer :
  • des collectifs d’entreprises à résonance nationale et de collectifs de groupes ;
  • des collectifs nationaux de métiers et de catégories transverses communs aux salariés de toutes les entreprises, sous-traitantes y compris.

Commentaires sur le document d’orientation

Après 35 années de syndicalisme plus ou moins actives, je me permets ici des commentaires critiques qui ne gâchent en rien le plaisir que j’ai à dire que je suis membre de la CGT. Celle-ci a plus évolué que n’importe quelle autre organisation, tout en construisant cette évolution sur le socle de la mobilisation de toutes les forces vives du travail au service de la transformation de la société pour le progrès humain.

Avec ces commentaires, je ne cherche pas à créer de conflits qui ne seraient que le symptôme d’un mal-être dans son travail militant plus ou moins intensif selon ses responsabilités syndicales. Ergonome, je ne propose qu’une espèce d’intervention ergonomique qui détourne l’attention des personnes vers l’objet : l’orientation de la fédération.

Je vois trois insuffisances à ce document d’orientation :
  • il touche du doigt la question de la subordination du travail au capital sans en explorer la nouveauté créée par la situation économique et sociale d’aujourd’hui ;
  • il ne dit rien sur la condition spécifique de l’encadrement, notamment celle de l’encadrement de premier niveau, le responsable d’équipe étant le salarié qui subit le plus grand risque en matière de santé au travail ;
  • il fait comme si la santé des syndicats départementaux ne justifiait pas une réorganisation territoriale pour palier le défaut d’activité clairement visible dans les résultats aux élections.
Mais avant de commencer, je souhaite appeler à l’arrêt de la mise en avant de la réappropriation publique du secteur sensée mobiliser tout le monde, mais qui n’a plus de sens pour la plupart : l’appropriation publique en marche vise surtout à payer par l’impôt ce que les opérateurs privés ne veulent pas prendre en charge.

Revisiter la subordination du travail au capital

Le 20ème siècle s’est construit sur le compromis social échangeant la sécurité d’emploi contre la subordination du travail au capital. Ce compromis donnait la liberté de diriger l’entreprise à la société commerciale constituée entre les associés ou les actionnaires contre l’assurance de garder son emploi tout le temps de sa vie professionnelle.

Aujourd’hui, un cinquième des salariés ne dispose pas d’un statut de travail sable qui lui permette de louer un logement par exemple, et quatre recrutements sur cinq se font sur un emploi précaire. La sécurité d’emploi n’est plus garantie, la subordination du travail au capital devient inacceptable.

Les organisations syndicales l’ont bien compris, elles militent toutes pour la démocratie sociale. Mais cette négociation se heurte au droit de propriété tel que le compromis social l’a conforté depuis la seconde guerre mondiale. Rappelons que le droit de propriété est le second des droits de l’Homme dans la déclaration de 1789, juste derrière la liberté, juste avant la sûreté et la résistance à l’oppression.

Mais l’article premier déclare : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. ». La distinction sociale issue de la propriété de la société commerciale sur l’entreprise doit être revisitée à l’aune de son utilité sociale.

Aujourd’hui, l’entreprise n’a pas de statut juridique, c’est la société commerciale qui dirige l’entreprise, emploie le travail, sous-traite et dispose des richesses créées. Elle exige un rendement de l’ordre des 10% que ne peut supporter l’entreprise, ce qui désindustrialise le pays. Cette propriété n’a plus d’utilité sociale. Elle doit être revisitée.

C’est l’exploration du bilan qui va permettre de fixer la limite socialement utile à la propriété privée dans l’entreprise. La part du capital social et des augmentations de capital dans le bilan constitue la clef de répartition de la richesse de l’entreprise à la société commerciale. Elle doit fixer la limite supérieure des résultats distribuables en dividendes et la représentation de la société commerciale dans le conseil d’administration.

La démocratie sociale dans l’entreprise n’est pas un objet de négociation, mais le résultat de la loi devant donner le statut juridique à l’entreprise qui lui assure l’indépendance nécessaire à son développement. Elle  a l’avantage et l’utilité commune d’impliquer le collectif de travail au niveau de sa contribution à la richesse de l’entreprise. La réappropriation publique du secteur reste un vœu pieux si elle ne touche pas à la propriété sur les entreprises du secteur.

Bien sûr, la suppression de la subordination du travail au capital ne supprime pas la subordination des membres d’une équipe à son responsable chargé d’en garantir la mission. Là réside l’importance du discours de l’organisation syndicale sur les conditions de travail et d’exercice des responsabilités de l’encadrement, ainsi que l’accompagnement des contre-pouvoirs dans l’entreprise.

Mobiliser les cadres au service des conditions de travail

La CGT s’est dotée en 1963 d’un outil spécifique pour rassembler les ingénieurs, cadres et techniciens (les ICT) en convergence avec toutes les catégories de salariés.

Les salariés ne voient pas forcément le syndicalisme comme un outil de transformation de la société, mais ils en attendent les moyens d’agir sur leur réalité. La place des cadres dans le travail, leur formation, la mise en œuvre de décisions auxquelles ils ne sont, en général, pas associés les poussent à  exprimer des revendications différentes : reconnaissance de leur qualification, moyens d’exercer leurs responsabilités, etc.

L’UGICT est le lieu proposé aux ICT par la CGT pour faire avancer les revendications qui naissent de leur situation particulière sans les séparer des autres salariés.

Malgré des différences de niveau d’expertise, de responsabilité et d’autonomie, les techniciens et agents de maîtrise partagent les mêmes contenus de travail que les ingénieurs et cadres.

L’union fédérale des cadres de la FAPT n’intègre pas les techniciens et agents de maîtrise. Le document d’orientation ne dit mot sur cette union fédérale, ni sur son champs de travail, ni sur le contenu de sa mission. C’est pourtant un débat essentiel dans un monde qui évolue vers toujours plus d’intelligence et de qualification.

Membre du bureau national, je me prononce pour l’élargissement du champ de l’union fédérale des cadres (UFC) aux ICTAM : ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise.

L’encadrement d’équipe est une fonction souvent assumée par des techniciens ou des agents de maîtrise. Leur technicité et leur maîtrise du métier sont capitales pour transformer le travail, pour organiser la nécessaire réélaboration collective des règles, essentielle à la santé au travail.

Assurer la présence du syndicat auprès de tous les salariés

Le syndicat départemental reste l’unité organisatrice de la fédération. C’est une organisation administrative construite sur la culture de la fonction publique républicaine qui a marqué les générations les plus âgées encore en activité du secteur. Elle en vaut bien une autre. Mais elle ne doit pas empêcher l’activité de terrain.

Le tableau croisé syndicat départemental (SD) / établissement secondaire (ES) des résultats des élections du CE à la Direction Orange Ouest montre un lien plus important avec l’ES qu’avec le SD.

Tableau croisé SD/ES des résultats aux élections du CE de la DOO (tous salariés)
Tableau croisé SD/ES des résultats aux élections du CE de la DOO (cadres)
Cela ne signifie pas que la structure départementale de notre organisation soit mauvaise. Mais cela montre que les militants n’ont pas su s’en extraire pour mutualiser leurs forces, alors que les collectifs d’élus et les sections syndicales montrent un savoir-faire efficace quand ils sont mis en œuvre, notamment en AD, à SCOO, en UAT et dans les UI.

Lorsque que le nombre de militants est trop faible, il ne faut pas hésiter à regrouper les syndicats, comme 22 et 35, ainsi que 56 et 29 en Bretagne.

D’autre part, il faut faire confiance aux militants et accepter une certaine subsidiarité. J’ai apprécié la capacité que m’a laissée le syndicat 35 de diffuser ma lettre DS en mettant à ma disposition imprimante, enveloppes et envoi postal. J’ai apprécié aussi l’autorisation implicite des autres syndicats de toucher les salariés de leur territoire.

En conclusion

Le 35ème congrès et le document d’orientation ont fait l’objet d’un certain nombre d’interventions au dernier bureau national (BN) de l’UFC. Je pense que ce sera encore le cas au prochain BN, le 27 janvier 2015. Je contribuerai aux amendements qui porteront les éléments dont je fais part dans cette contribution.