27 oct. 2014

Etat social et service public

"Comment moderniser et améliorer l’État social? Pour l’éducation nationale, le système de santé, la politique du logement, la formation professionnelle, le droit à la sécurité, la prise en compte du vieillissement ou la dépendance. Quelle solidarité intergénérationnelle?" (Etats Généraux du Parti Socialiste)

L’appel à contribution semble ne faire qu’un paquet de l’Etat social et du service public comme pour valider sans discussion le mouvement du financement de l’Etat social vers la fiscalisation – ressource financière du service public.
 
Il est pourtant essentiel de séparer Etat social et service public :
  • l’Etat social a pour but d’assurer la sécurité de ses membres face aux risques inhérents à l’activité économique (chômage) et à ceux qui les empêchent de travailler (maladie, accidents du travail, vieillesse, dépendance) ;
  • le service public est l’instrument de la volonté communauté nationale, européenne ou humaine d’assurer l’éducation de ses enfants et le contrôle du niveau de qualification de ses membres (validation des acquis de l’expérience et formation tout au long de la vie), le logement, la sécurité des personnes et des biens dans une justice qui a les moyens de sa mission, la disponibilité des services réseaux (énergie, eau, télécommunications, courrier et colis, transports nécessitant des infrastructures lourdes comme le chemin de fer ou les routes et autoroutes, etc.).
Les ressources de l’Etat social doivent être prises sur les revenus primaires pour bien affirmer qu’il ne s’agit pas de financer une protection sociale de type charitable, mais une protection sociale qui assure la capacité de tous et de chacun à contribuer de façon solidaire à la richesse de la société.
 
Les ressources du service public doivent être prises sur un flux de financement secondaire prenant en compte la capacité financière de chacun dans une fiscalité progressive exprimant la volonté politique de former une communauté – aujourd’hui nationale, mais évoluant vers l’Europe (dans Union européenne, le mot important est « union ») et vers toute l’Humanité.
 
L’Etat social
 
Avant la dernière guerre, en France, le Front populaire n’avait pas pu mener à bien les réformes qu’il souhaitait mettre en œuvre. Le patronat n’a cessé de déconstruire la mise en place d’un Etat social qui réponde aux besoins de la population. Il a trouvé dans le pouvoir de Vichy et le contexte de l’occupation le soutien nécessaire à l’asservissement qu’il souhaitait.
 
Après la guerre, pas seulement en France, le patronat avait été si complice de la politique raciste et violente du nazisme ou du fascisme, qu’il n’a pas pu empêcher la mise en place de l’Etat social des trente glorieuses.
 
Ce mouvement avait été lancé par la déclaration de Philadelphie  lors du lancement de l’Organisation internationale du travail et repris par le programme du Conseil National de la Résistance. Il s’est achevé avec la politique de baisse des coûts du travail et de libéralisation de l’économie dans l’environnement d’innovation financière débridée.
 
Avec plus ou moins d’acceptation – les artisans et commerçants n’en voulaient pas, les mutualités ont voulu survivre – la sécurité sociale universelle couvrant la maladie, la vieillesse et le chômage s’est financée comme la mise en commun d’une partie du salaire sous la conduite des salariés eux-mêmes. En 1967, le patronat s’est invité, puis l’Etat a pris de plus en plus de poids au fur et à mesure que les ressources s’amenuisaient : développement du chômage, des exonérations, des éléments de rémunération sans cotisation, etc. Aujourd’hui, les réformes multiplient les réductions de couverture et la sollicitation de mutuelles de plus en plus gérées comme des entreprises d’assurance sous la législation européenne.
 
Le service public
 
Avec l’Etat social, l’après-guerre à rebâti l’économie la plus puissante grâce à l’animation publique de l’économie, au contrôle du prélèvement exercé par le capital et à la sécurité apportée aux salariés en échange de la subordination dans laquelle le plaçait le pouvoir du capital dans l’entreprise.
 
Pour porter l’ambition de la communauté nationale, mais aussi européenne et à terme universelle, le service public doit disposer de ressources financières qui impliquent chacun selon ses moyens. Le seul outil capable de répondre à cette exigence est l’impôt sur le revenu progressif assis sur tous les revenus, dans les mêmes conditions selon leur niveau.
 
La communauté service par ce service public doit être le plus large possible pour éviter la concurrence faussée entre agents de communautés voisines – concurrence entre Etats européens par exemple.
 
Le périmètre du service public s’est fortement réduit au cours du dernier quart du 20ème siècle. Au nom du dynamisme dont était affublée la concurrence, la législation européenne a imposé une régulation nationale du secteur des télécommunications par exemple, qui aboutit aujourd’hui à l’existence de plus d’une centaine d’opérateurs alors que les Etats-Unis ou la Chine offrent à deux ou trois opérateurs la puissance de leur marché.
 
La fiscalisation de la protection sociale
 
Il est facile de comprendre pourquoi la droite milite pour la fiscalisation de la protection sociale, surtout au moyen de la TVA qui frappe d’abord les bas revenus.
 
Une partie de la gauche adhère à cette politique en pensant qu’ainsi le capital contribue comme le travail. La fiscalisation est pourtant un mouvement sans précédent de baisse massive des revenus du travail.
 
La CSG (Contribution Sociale Généralisée) est payée à plus de 95% par des salaires. Contre sa contribution à 5% du financement fiscal de la protection sociale, le capital économise plus de 30Md€ par ans actuellement. Finalement, les cotisations sociales des salariés les moins payés (un salarié sur deux) sont alimentées par les impôts des salariés mieux payés, mais pas suffisamment pour pouvoir défiscaliser.
 
En fait la fiscalisation de la protection sociale est une très mauvaise idée. Elle adapte le financement d’une protection sociale de plus de 95% d’actifs (les salariés) au mode d’une minorité qui vit, le plus souvent pas totalement, sans travail. Il vaut mieux laisser la petite minorité des actifs qui ne vit pas de travail en dehors du champ de la protection sociale, cette minorité ayant les moyens de couvrir les risques de la vie avec l’usage des entreprises d’assurance.
 
Pour un nouveau statut du travail salarié
 
Un entrepreneur qui investit du capital dans une entreprise le fait dans un projet qui mobilise du travail de sa part la plupart du temps – autrement il utilise de l’épargne de travail passé ou un héritage, des situations pas très fréquentes. Le modèle économique de son projet doit intégrer sa rémunération en tant que salarié. Il obtient alors une rémunération du capital qu’il a investi et une rémunération de son travail, salaire net et cotisations.
 
Assurer la sécurité des salariés, c’est assurer la sécurité de la plupart des actifs. Comme la sécurité ne peut plus être assurée au niveau de chaque entreprise avec l’emploi à vie, il faut l’assurer sur un droit interprofessionnel attaché à la personne. Cette sécurité sociale professionnelle doit assurer la protection sociale des actifs et de leur famille. Son financement doit être assuré par une cotisation liée au salaire par prélèvement direct. La fixation de son taux doit assurer la totalité des dépenses.
 
Le niveau du salaire doit rémunérer la qualification selon une échelle de six barreau : sans qualification, CAP-BEP, Baccalauréat, Licence, Master et Doctorat. Une carrière de vingt ans doit assurer un doublement du salaire. Les promotions doivent gratifier une validation des acquis de l’expérience (VAE par l’employeur et le service public de l’éducation) ou un cursus de formation possible tout au long de la vie et doivent permettre de passer d’un barreau à un autre.